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La gentrification du bien-être : les riches ont-ils fait une OPA sur le milieu du bien-être ?

Photo du rédacteur: Mathilda MoutoussamyMathilda Moutoussamy

Le bien-être, autrefois ancré dans des traditions populaires et accessibles, est aujourd’hui un secteur en pleine mutation.

La gentrification du bien-être désigne l’appropriation et la transformation de pratiques spirituelles et holistiques par des classes sociales plus favorisées, entraînant une hausse des prix, une modification des valeurs et une standardisation des discours.

C'est par exemple ce qui s'est fait avec le yoga d'un point de vue appropriation culturelle et monétisation : avant, le yoga, d'un point de vue visuel extérieur, c'était des Indiens en pyjama qui faisaient surtout beaucoup de méditation ; puis c'est devenu la meuf avec un legging serré – et cher – sur Instagram qui fait des asanas. Je caricature, bien sûr.

Ce phénomène de gentrification, bien que subtil, a des implications profondes sur l’accessibilité des soins alternatifs, le marché du bien-être et surtout sur la manière dont la spiritualité est perçue et vécue en amenant de nouvelles valeurs.


C'est quoi la gentrification?

La gentrification, c'est un concept qui vient de la géographie.

Ça désigne le processus par lequel des populations aisées investissent des quartiers populaires, entraînant une élévation du coût de la vie et l’éviction des populations précaires.

C'est l'impossibilité de se loger sur les îles et les littoraux, ou tout endroit coté, pour les locaux.

C'est les bobos qui investissent un quartier, ce qui entraîne une hausse des tarifs, et bim, les gens qui habitaient là sont obligés de partir (j'ai vu ça récemment à La Réunion : beaucoup de Saint-Pierrois sont partis vivre dans les hauts, les tarifs se sont envolés ^^).

C'est aussi Airbnb à l'échelle mondiale : le plus gros responsable de la gentrification à l'heure actuelle sur Terre.

Appliqué au domaine du bien-être, ce concept met en lumière la transformation d’un espace autrefois accessible en un marché exclusif, dominé sur les réseaux par des offres haut de gamme (le high ticket !) et une esthétique standardisée.

Ce phénomène s’observe notamment dans le yoga, les soins énergétiques, la méditation et d’autres pratiques ancestrales aujourd’hui commercialisées sous une forme épurée et occidentalisée.


La hausse des tarifs et l’exclusion sociale

L’un des premiers signes de cette gentrification est l’augmentation des prix. Là où certaines pratiques étaient historiquement basées sur l’échange, le don ou des tarifs accessibles, on assiste aujourd’hui à une montée en gamme des prestations.

Les retraites de yoga autrefois proposées dans des cadres simples deviennent des séjours luxueux à plusieurs milliers d’euros. Les soins énergétiques, autrefois partagés dans une démarche communautaire, sont désormais facturés à des prix élevés, rendant ces pratiques inaccessibles aux personnes aux revenus modestes.

Cette inflation contribue à renforcer l’idée que le bien-être est un privilège réservé à une élite, plutôt qu’un droit fondamental accessible à toutes et tous.

Alors attention, j'ai déjà écrit sur l'idée du don, largement popularisée par l'Église catholique qui pouvait se le permettre, vu sa puissance financière, et qui n'avait pas intérêt à ce qu'on aille voir la sorcière, le rebouteux, le guérisseur du village... Le don tel qu'il a été pratiqué n'a jamais été réellement du gratuit. Si on prend les campagnes françaises : il s'agissait d'économies circulaires basées sur les dons et contre-dons, souvent en nature. C'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas réellement de gratuité. Le don a existé mais dans un espace social communautaire, ce qui est évidemment difficile à transposer dans le monde individualiste et capitaliste dans lequel nous vivons aujourd'hui. Donc tout ça pour dire que je ne suis pas en train de prôner la gratuité ou le fait de ne pas être assez payé pour vivre d'une activité bien-être.


Une modification des valeurs et des discours

La gentrification ne se limite pas à l’aspect économique ; elle transforme aussi les discours et les valeurs portés par ces pratiques. Loin de leur ancrage initial dans des traditions populaires et des savoirs communautaires et culturels, elles sont souvent reformulées dans une logique de développement personnel et d’optimisation de soi.

Prenons un exemple : je vais caricaturer pour rendre mon propos intelligible, d'avance, pardon !

Une nana qui travaille dans une grosse entreprise au service marketing fait un burn-out. Elle s'intéresse au bien-être dans son parcours de soin, puis finit par faire des formations et devenir thérapeute (ou autre mot). Elle arrive dans le métier avec ses connaissances en marketing. Elle est super douée, elle a fait une école de commerce. Elle cartonne, car elle pense sa communication, sa stratégie réseaux, la publicité… Cette personne imaginaire vient d'un milieu privilégié, puisqu'il faut l'être la majorité du temps pour faire une école de commerce. Cette personne connaît très mal les autres milieux sociaux (Gilles Delieuze, bonjour !). Elle vient avec un système de valeurs dans le métier, qu'elle ne conscientise pas forcément. Comme elle a du succès, d'autres vont la copier, reproduisant certains schémas ou valeurs venant de la sphère sociale privilégiée (je pourrais utiliser le mot bourgeois, mais je ne sais pas si c'est un terme très d'actualité). Généralement, ce type de personnes ignore beaucoup des inégalités sociales à l’échelle mondiale ou même nationale et va tenir des discours qui vont dans ce sens. Et cela va avoir des conséquences.

Autre exemple : des pratiques spirituelles issues de cultures autochtones sont récupérées et commercialisées sans respect des contextes historiques ni des enjeux politiques qui les entourent. C'est le gros exemple en débat des cérémonies cacao.

La sagesse collective et les dimensions militantes de certaines pratiques sont édulcorées au profit d’une approche individualiste et performative du bien-être. Il ne s’agit plus tant de se relier au vivant, aux autres et à soi-même dans une démarche de transformation collective, mais plutôt de maximiser son potentiel dans un cadre compétitif.

Et youpi, le capitalisme a donc gagné !


Vers un bien-être plus inclusif et éthique

Face à ces dérives, il est essentiel de repenser notre rapport au bien-être et à la spiritualité. Cela passe par une reconnaissance et une valorisation des savoirs traditionnels sans les vider de leur substance.

Il s’agit aussi de développer des modèles économiques plus solidaires : des cercles de soins à prix libre, des formations accessibles, et des espaces de bien-être où chacun et chacune peut trouver sa place sans contrainte financière.

Il est temps de s’interroger : à qui sert le bien-être ? À une poignée de privilégiés ou à toute une communauté en quête d’équilibre et de guérison ? À des gens qui vont passer en 5D ou à tout le monde ?

Oui, je sais, je suis un peu provoc...

Revenir à des pratiques enracinées dans l’échange, la JUSTICE SOCIALE, l'absence de discrimination et de jugement, et le respect des cultures d’origine permettrait de faire du bien-être un véritable levier de transformation collective.

Alors, que faire pour que le bien-être ne devienne pas un produit de luxe réservé à une élite ?

Est-ce que tout le monde devrait pouvoir accéder à une santé alternative ?

Une vraie question à se poser au vu de l'état de dégradation des services de santé classiques.


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Tu as tout lu?


Bravo et merci!



Si ces questionnements t'intéressent, je conseille "Politiser le bien être" de @Camille Teste



Le gentrification de manière humoristique : https://www.youtube.com/watch?v=gFPT53FZU94&t=4s


Plus sérieusement ( les sous titres peuvent être mis en français ) :



Exemple de gentrification géographique en cours au Maroc :





Image crée avec l'IA, d'où les trucs bizarres^^
Image crée avec l'IA, d'où les trucs bizarres^^

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